Textes et bonus du blog Tisser les mots

 


Voici l’ensemble des textes écrits pour «Tisser les mots» et même des bonus:


Ce que le temps dessinera


Parce que c’était Ishi, parce que c’était moi


Les bonnes raisons


De l'or et des liens


Recette pour une tempête dans un verre d’eau


La tête haute, tout bas


La condition de l’ours moderne (*) Entretien exclusif avec l’artiste plasticien Olafon Eliassur


Première pierre


Ces photos qu'on ne prend pas


Mourir, ou renaître à Tiébélé (Ce texte est la suite de celui intitulé « Ces photos qu’on ne prend pas »)


Ecrire c'est se départir


Alexis Alexia


Des solstices et des lunes


Une lettre de motivation un peu particulière...


L'écarlate de la manquante saison


Dans ses pas


Franchir le seuil


Je dis : murmure... et c'est fini


L'abécédaire des abécédaires


Histoire de sa naissance racontée à ma fille


Fin août, début septembre


  1. -Les délices orangés 


Le pâté à sa mémé


Le sel de la vie


Beauté de pacotille, beauté d'aluminium


Voyage en terre Aphélie


Rêver encore


Le masque est le miroir de l'âme


Tout un brame


The end


Carte postale - Des nouvelles de Pedro


Carte postale - Catou va bien, merci


Carte postale - Hors carafe


Carte postale - Romano respire


Le bon plan


Riding home


Ondulations


Right and left


- Une frisée aux lardons, sinon rien


- Au cas où...


- Ramdam


- Le vieil homme et l'oiseau


- Le Printemps du Livre


- Des éclipses et des mots-lune


- Songe de l'obsidienne


- Fernand et Lisa


- Irradiation


- L'île de Pâques et autres mystères - Souvenirs de Théodore Eglantine


- La clé en trois points, et puis c'est tout


- Ce que tisser les mots veut dire


- Un éléphant ça s'évapore énormément


-  Extrapo(i)lation


- Manifeste très sérieux pour des lendemains qui le sont moins


-  Dissoute


-  Lucie


-  La Nature. Veaux, vaches et grandes bifurcations


-  La Nature. Le catalogue et la loi


-  Triptyque de l'obsidienne


-  Des empanadas et de la pâtée pour chats


-  Le sommelier des désillusionnés (page 20 du recueil)


-  Détaché (une bouteille à la mer-1)


-  Petites suites d'été


-  Les chats et l'écriture


-  Dans ma boîte à tout


-  Plan C (Bravo, votre roman va être publié)


-  Triptyque de l'invisible


-  Toutes ces choses, tant de choses - inventaire à la manière de Sei Shonagon


-  La rêverie de dame Nagiko


-  Dis-moi dix mots à la folie - Mon cher et pendre Vassilev


-  Dis-moi dix mots à la folie - le déclic-clac


-  Les résonances énigmatiques


-  Un cactus en hiver


-  Les bonnes résolutions de la nouvelle année, Varécy s'engage


-  La gueulante de Noël


-  L'instant jaune-gris


-  Mandela every day


-  Le premier amour


-  La vie chose (extraits)



Bonus


Le Printemps du Livre à Grenoble


Notre Brûlure à la loupe


Désassemblage *



La femme qui lit est effondrée.

Comme un château de cartes, effondrée.

Finie l'insouciance,

Finie l'espérance des premiers frissons,

le regard tendu vers l'horizon.


L'homme qui marche ne s'en soucie pas.

Cette aventure n'était pour lui

qu'un pas de côté, un entrechat.

Il ne se soucie que de lui.

Dire qu'on l'admire pour ça.


La femme qui lit ne lit déjà plus.

Son visage disparaît, non advenu.

L'homme qui marche l'oubliera.

On le sait : il l'oublia.

Ce fut le pire. Il la tua.




Varécy

Novembre 2015



  1. *Lire l'autre volet du diptyque, «Beauté de pacotille, beauté d'aluminium », sur le Blog « Tisser les mots » (http://tisserlesmots.blogspot.fr).


  




Notopia 2115

(Première partie)



L'auréole n'est plus d'or mais d'aluminium.

C'est que les temps ont bien changé.

Un homme qui donne le sein, drôle de maternité.

C'est à croire que tous les gênes, les codes, les genres ont bel et bien fini par être inversés.

Je me souviens, à l'époque, j'avais lu un slogan sur un mur.

Il rageait d'égalité : « Ceci n'est pas un débat. Ceci est un combat ».


Combat fut donc mené.


Et me voici là, du haut de mes 114 ans, à contempler enfin une paternité.

Cette paternité.

L'auréole d'aluminium encadre un visage soigneusement mal rasé.

Elle déploie tout un éventail de rayonnante bonté et de pieuse responsabilité.

On ne voit plus la pomme d'Adam vu que la tête est penchée.

Elle est penchée sur l'enfant.

L'enfant tête un sein aux poils parsemés.

De sa petite main forcément potelée, il s'agrippe à un bras bien musclé.


Je me souviens et je réfléchis.


Je reste longtemps songeuse devant la toile.


Maintenant, j'ai le temps. Avec les injections, on ne meurt plus si tôt et j'ai le temps.


Certes, je ne devrais pas être là.

Je me suis échappée et s'ils me retrouvent, je risque gros.

Pas de repos, encore moins de contemplation pour le prolétariat féminin.


Mais cette image, je voulais la voir.

Car malgré l'horreur, c'est peut-être tout ce qui nous reste d'humanité.

Oui, maintenant que les femmes sont empêchées d'enfanter, que tout est hors sol, engendré ex-utero et que seuls quelques hommes privilégiés donnent la vie, cette image est peut-être notre seul lambeau d'humanité.


Cette image du dictateur en majesté, je devais la voir, moi qu'ils ont arrachée aux miens et privée de prochains.


Je devais la voir car l'Histoire a horreur des entrechats : elle tire comme moi, bientôt, dans le tas.


Car même sombres, il faut contempler les idoles pour se donner l'absolu courage de les renverser.



Varécy

13 novembre 2015


                                         






Notopia 2115

(Deuxième partie)



L'auréole n'est plus d'or mais d'aluminium.

C'est que les temps ont bien changé.

Un homme qui donne le sein, drôle de maternité.

L'enfant tête ce sein aux poils clairsemés.

De sa petite main potelée, il s'agrippe à un bras bien musclé.


Le dictateur rayonne.

Il est majesté des majestés, madone et peinture historique confondues.

A côté de lui, Marie et Louis XIV ne sont rien.

Il est l'image de la paix et de la guerre rassemblées.

Il est triomphe, incarnation de la post-humanité.

Il a tout simplement réussi.


On ne dirait pas comme ça.

Il ne paie pas de mine.

Rien d'impressionnant, rien de vraiment nouveau.

D'une main, il caresse les pieds de l'enfant blotti contre lui.

Ses jambes, longues et elles aussi musclées, se dégagent du tableau.

Il a l'air sympa, comme ça, le dictateur.


Sauf que ces jambes-là... je me souviens, je ne peux pas oublier, moi qu'ils ont amputée comme tous mes semblables aliénés.

Ces jambes-là débordent trop.

Elles sortent, elles sortent du tableau pour mieux rappeler les oligarques atrophiés, eux, à force d'oubli de leur corps et d'excès à répétition.

Elles dégoulinent de provocation face à moi, à tous ceux, sains comme moi, que l'on a appareillés d'exosquelettes pour soit-disant mieux vivre, jouir de forces décuplées.


Je me souviens.

Je ne peux pas oublier.

Car je fais partie de ceux qui ont fait les choses dans l'ordre, des premiers pas aux entrechats.

Je sais l'insouciance des jambes tremblantes et le ravissement des jambes à son cou.

Je sais tout cela et leurs prothèses ultra-performantes, je n'en voulais pas.

La supercherie était manifeste.

Peu nous ont cru.

Alors, petites gens, nous y sommes tous passés : à nous les travaux forcés. Que vivent longtemps, bien longtemps, les hommes et les femmes augmentés !


Et voilà.

Me voici maintenant là, face au dictateur en majesté.

Je clique et je cloque de peur.

Je tremble de feux mes membres inférieurs.


J'avoue une faiblesse car l'image est belle.

Mais ce serait trop que cet enfant-là, lui, apprenne à marcher.


Je fouine dans mon sac.

J'ouvre ma boite à tout.

J'y trouve un jeu de cartes, du temps où le hasard avait encore droit de cité.

J'en sors une photo de moi en randonnée.

C'était avant.

C'était au pays de l'obsidienne, avec mes parents.

La pente était rude, mais au moins on savait pourquoi on soufflait.

Le soir, les cuisses et les genoux tiraient mais on dormait bien.


C'était avant.


Pas question que ce bambin-là marche un jour à son tour.

Non, pas question.

Inimaginable qu'il coure, batifole en toute innocence dans les près.


Il est des images simples, qui ne paient décidément pas de mine.

Rien d'impressionnant, sauf quand on sait tout le mal qu'elles contiennent en dedans.



Varécy

13 novembre 2015





Ce texte a originellement été écrit à partir d'une consigne d'écriture du blog

« Tisser les mots »